En marge, et pour tenter de montrer la place d’une famille influente dans le village, quelques mots à propos de François-Bonnaventure, frère de Jean-Thomas:
François-Bonnaventure est successivement désigné en tant que laboureur, puis de bourgeois, et aussi de négociant. Lors de son mariage à Troyes, il signe Bonnemain-Demontel en qualité de « syndic » (**) au bas d’une « supplique à Monseigneur l’Intendant de la province frontière de Champagne ». C’est à propos d’un procès relatif à une parcelle de 23 arpents de bois que s’est indûment appropriée
Leur seigneur, le marquis Des Réault. Trois ans avant la Révolution, conseillé par quatre avocats Maîtres Lefébure, Petri, Truelle-Raimbourg et Truelle-Jourdat, le syndic de Bussey (sic) ne craint pas de dénoncer les vices d’une transaction qui prétend soustraire 23 arpents de bois communaux au profit du Marquis Des Réault. Délégué par les 28 chefs de famille qui signent avec lui, il relève « son caractère d’iniquité et la tyrannie du seigneur: il subjuguoit les habitants de Bussey, abusoit de leur ignorance, les faisoit gémir sous l’oppression…”. (1)
Pourquoi Bonnemain-Demontel et pas Bonnemain-Grisier, associant le patronyme de sa mère à celui de son père ?
Après le Bourgeois Gentilhomme de Molière serait-ce l’esquisse d’un Paysan Gentilhomme ? Le frère de Jean-Thomas ne cherche-t-il pas à donner à son nom un parfum d’aristocratie en lui adjoignant le patronyme de sa grand-mère, Nicole, épouse Grisier, née Dumontel ? En le transformant en Demontel, ne viserait-il pas là particule « de » Montel au terme d’une rapide ascension sociale afin d’ajouter un peu de prestige à son statut ? Rien ne permet de le penser, d’autant plus que, étrangement, les Bonnemain, comme les Bonnemain-Dumontel disparaissent de l’horizon villageois et que je n’en retrouve plus la trace au XIXème siècle… en l’absence de preuves, la prudence doit être de règle… Alors je m’y tiens… (***)
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Sur le chemin de la Révolution
L’adolescent va au collège. Plus tard, il fréquente l’université. Cependant il côtoie les Bucetons: ils sont d’abord paysans, laboureurs, propriétaires de leur terre, mais aussi fermiers, métayers, journaliers, artisans. Pour certains des noms que reconnaîtront leurs descendants : Toulouse, Flogny, Genneret, Broutin, Jaillant, Roglet.
Le jeune Buceton sera avocat, écrivain, administrateur du district de Troyes en 1790, juge au tribunal du district d’Ervy. Il sera élu député de l’Aube, membre de la Convention Nationale du 5 septembre 1792 au 26 octobre 1795 et du Conseil des Cinq-cents de cette même date au 20 mai 1797. Anti-esclavagiste, il sera membre de la première Société des Amis des Noirs créés à la veille de la Révolution. Trois cents ans plus tard, il reste parfaitement inconnu du grand public.
Le 15 mars 1789 une trentaine de Bucetons ont apposé leur signature au bas du cahier des doléances de Bucey-en-Othe lors d’une réunion « issue de la Grand-Messe Paroissiale, chantée et célébrée de la manière accoutumée ». Lit-on « J T », initiales de Jean-Thomas dans la première
(**) Sous l’ancien régime, le syndic est un notable chargé de représenter, d’administrer, de défendre les intérêts de la communauté rurale. Au sein de l’assemblée il veille au respect des droits collectifs : affouages, glanage, vaine pâture.
(***) Dans un récent numéro de la Vie en Champagne, notre collègue Michel Toussaint retrouve la famille
Bonnemain à travers Charles Alexandre né à Bucey le 26 germinal an III - 15 avril 1795- qui épousera Catherine Braquait, fille d’épiciers troyens. Ils développeront leur propre commerce rue des Trois-Têtes. (In les archives curieuses de la famille Bonnemain-Bacquiat et de son épicerie à, Troyes sous la Restauration.)
De ces deux signatures, au-dessus de celle de son frère François-Bonnaventure ? À 33 ans est-il venu au village pour prendre part à l’assemblée réunie?